Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.
L'équipage du Renoir lors de son inauguration...
|
|
Il a reconstruit entièrement le Renoir
Dans l'autocar qui nous conduit en ce petit matin pluvieux à Strasbourg, je suis assis à côté de Jacques Lachapelle. Nous avons tout le temps de discuter et il me raconte sa vie. Jacques est né sur un bateau. Et Jacques vit toujours sur le bateau de ses parents, qui est amaré définitivement à Jambes. Le fleuve et les péniches, c'est toute sa vie! Lorsqu'il a un moment de libre, il s'en va avec son ami, le patron du "Château-Lafitte". Quand il me parle de ces voyages-là, de la grande péniche effilée construite au gabarit des grands lacs canadiens, ses yeux s'éclairent.
Mais, il n'a pas voulu reprendre le métier de ses parents. Par égard pour ses enfants. Il a lui-même trop souffert des mois en internat, lorsque l'on ne rejoignait les parents que de temps en temps pour un week-end et aux quatre coins de la Belgique.
Cela ne fait pas longtemps que Jacques Lachapelle travaille au chantier. Pendant 18 ans, il a été chauffeur routier, un métier du voyage quand même. Mais, à la longue, il en a eu assez de la solitude, des journées de quatorze heures de route où l'on finit par parler à son siège pour se sentir moins seul.
Le soir, après son travail au chantier, il construit des maquettes ...de bateau bien entendu. C'est lui qui a construit celle du Renoir au 1/50eme qui à été offerte à l'armateur lors de l'inauguration. Il a consacré à ce travail toutes les soirées de ces derniers mois. Les modèles réduits de bateau, c'est sa spécialité, et aussi sa fierté, car voici quelques temps, il les a exposés au "Steen" à Anvers, le plus prestigieux musée maritime de Belgique.
Lundi matin, Jacques quittera le "Loyauté", sa péniche, pour rejoindre le chantier, juste en face, de l'autre côté du fleuve. Il y participera à la construction d'autres grands bateaux blancs, les frères du "Renoir". Le soir, il en réalisera peut-être la maquette. Sa vie restera toujours ancrée au fleuve... |
Samedi 14 nov 1998 - 5h50
La pluie tombe à seaux sur Beez. En slalomant entre les flaques, je me dirige vers le réfectoire dont les lumières brillent dans la nuit noire.
Une bonne partie des ouvriers sont déjà là, endimanchés, avec femmes et enfants. Pour moi, qui ne les ai jamais rencontrés qu'en bleu de travail, couverts de cambouis ou dans la fumée des postes de soudure, c'est assez surprenant.
6h20. L'autocar prend enfin la route. Direction Strasbourg. Quatre heures plus tard, nous sommes "Quai des Belges" (qui aujourd'hui, porte on ne peut mieux son nom), dans la zone portuaire, face au "Renoir".
C'est la première fois que le personnel du chantier se déplace pour l'inauguration d'un bateau. C'est donc aussi la première fois qu'ils voient le résultat final de leur travail.
Et quel résultat! Il est superbe, le "Renoir" en tenue d'apparat! Les personnalités d'Alsace et de Wallonie sont là. Lors des discours officiels, nous apprenons tous une grande nouvelle : la commande probable de nouveaux bateaux au chantier naval de Beez et ce, en plus des deux déjà en cours de construction.
|
Le moment précis où explose la bouteille de Champagne... |
Dans les cuisines du Renoir. |
Après la cérémonie, c'est le moment de la visite des cabines, salons et salles de restaurant. Et puis, comme dans toutes les grandes histoires, tout finit par un banquet.. Dans une grande brasserie de Strasbourg, on lève nos verres de vin d'Alsace au succès du bateau. Après cette matinée éreintante, on se détend, on rit beaucoup et fort... Ils n'en parlent pas de trop, mais je vois bien qu'ils sont heureux aujourd'hui. Et surtout, fier de ce grand paquebot qu'ils n'imaginaient sans doute pas aussi luxueux.
Comme disait tantôt, Vincent le soudeur, en contemplant la somptueuse salle de restaurant du bateau: - "Et dire qu'il y en a des centaines de soudures à moi, en-dessous de tout ça..." |
La photo-souvenir des travailleurs de Beez devant le "Renoir"
Strasbourg - 14 novembre 1998.