Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.
La mise à l'eau du Renoir [ Visionnez la séquence animée de la mise à l'eau du Renoir - 280 Kb ]
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le chef d'équipe
Impossible de le rater, André. Il semble être partout à la fois. Et une personnalité qui en impose. Toujours prêt à pousser un coup de gueule, comme à rire un bon coup. C'est lui qui supervise tout le travail, qui s'assure que tout et chacun est en place.
C'est d'ailleurs presque impossible d'avoir une conversation de plus de 30 secondes avec lui. Sans cesse, son portable sonne : un ouvrier qui a besoin d'éclaircissements sur un détail de plan, un client, un problème à résoudre, ... ça n'arrête jamais ! Cela fait 27 ans qu'il travaille au chantier. Quelques jours après être sorti de l'école, il est entré ici comme mécanicien d'entretien. Et, il y est resté, devenant le chef de l'équipe. Peut-être, parce que ce sont les difficultés qu'il préfère dans son travail. Il me confie cela, avec un petit sourire en coin. Car les problèmes ne manquent pas dans ce genre de construction particulièrement complexe. Mais cela lui permet de garder la forme et surtout, de rester sur le terrain, hors des bureaux. Aujourd'hui, c'est un moment très particulier pour André Franquinet. Il est le responsable de la mise à l'eau, moment le plus délicat et le plus stressant de toute la construction. Les huit cent tonnes du bateau doivent descendre doucement et sans faux mouvements. - "Il faut mettre tous les atouts de notre côté, me confie-t-il, il faut être très attentif pour descendre le bateau, regarder à tout et prendre son temps. Surtout, ne pas plier la coque." Mais déjà, il est temps de le laisser. Son portable s'est remis à sonner... |
Vendredi 28 août 1998 - 15h00
Aujourd'hui n'est pas un jour ordinaire! D'ici quelques minutes, on mettra le Renoir à l'eau. Une effervescence certaine règne au chantier. Les ouvriers sont venus avec leur famille. Femmes et enfants se promènent entre les grues et tournent autour du bateau. Papa est fier de faire admirer son oeuvre! Mais cela n'empêche pas le travail de continuer. Suspendus dans leur nacelle, les peintres finissent de donner au bateau son nouvel habit blanc. Sur le pont, les soudeurs font jaillir leurs gerbes de feu. Ils ne quitteront le bord qu'au dernier instant...
C'est André Franquinet qui est aux commandes des moteurs. Il en a déjà connu pas mal de mises à l'eau. Il connait son métier. Après avoir vérifié si tout était en place, il part seul vers la Meuse, il se promène lentement dans les grandes herbes, s'assure que rien ne traîne et ne fera obstacle au bateau.
Revenu au poste de commande, il entame la manoeuvre. Lentement le grand bateau blanc s'ébroue et commence à bouger, presque sans bruit. La descente va durer une demi-heure. Il passera juste devant moi, impressionant avec sa proue en nez de requin. Il est 16h30. Le Renoir est à l'eau.
Plus haut, c'est la joie et aussi le soulagement. Les ouvriers rient. André respire. Sur la Meuse, les remorquers arrivent et s'accrochent au bateau. Avec de gros nuages de fumée noire, ils vont le pousser à quai. Là où seront réalisés les ultimes travaux avant le départ pour Strasbourg. |