Symphonie et Renoir
Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.

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22 juin 1998

Soudeur
Soudeur au travail

Charlie Hastir,
responsable du magasin, infirmier et pêcheur...

Charlie Hastir

Je dois traverser tout le chantier pour trouver le magasin de Charlie, là-bas, tout au bout, le long du chemin de fer. Je le rencontre dans son petit bureau vitré, d'où on voit les rayons de ce magasin hors du commun : à côté des baguettes de soudure, les filtres à huile des gros moteurs diesel. Rien que les filtres sont aussi gros que le moteur d'une petite voiture ! Charlie doit gérer plus de 4000 références différentes et il ne faudrait pas que l'une d'entre elles vienne à manquer. Cela pourrait paralyser le chantier.. .


Charlie HastirNous commencons à peine à discuter que nous sommes interrompus par un soudeur qui vient de prendre un coup d'arc. Charlie le soigne. Je ne vous ai pas encore dit qu'il est aussi l'infirmier attitré des soudeurs. Délicatement, il met quelques gouttes de collyre dans l'oeil de l'ouvrier en m'expliquant que les coups d'arc ne sont pas rares, surtout après les vacances ou les retours de maladie, lorque l'on a perdu l'habitude.

Charlie HastirCharlie Hastir travaille depuis l'âge de 14 ans. Il en a maintenant cinquante. Calculez, cela fait un beau bail. Heureusement, pour se changer les idées, il a une passion : la pêche. C'est d'ailleurs comme ça que l'on me l'avait présenté :
-"Va voir Charlie, le pêcheur."
En effet, quand il me parle de la Semois, de Cugnon, de sa cabane là-bas, ses yeux s'éclairent. On sent bien que sa vie est là, aussi en bord de l'eau.

Il habite à 100m d'ici, près du pont barrage des Grands-Malades, mais pêcher dans la Meuse ne le tente pas. L'eau grise de la Meuse, il la voit assez sans doute, c'est celle de tous les jours. Ce qui le fait rêver, c'est l'eau claire de la Semois, avec les longues lanières d'algues qui flottent à sa surface.

Jeudi 19 juin 1998 - 15h00

Lorsque j'arrive en bord de Meuse, il me semble qu'un parfum de vacances flotte dans l'air. Après toutes ces semaines de grisaille, le soleil recommence à percer doucement. Le week-end sera beau.
Je suis d'humeur rêveuse et j'imagine ce que deviendra cette grande carcasse de tôles. D'ici quelques mois, le Renoir parcourra la Seine, de son estuaire jusqu'à la forêt de Fontainebleau, fôlatrant le long des vergers de Normandie ou sous les ponts de Paris. J'imagine la foule colorée dans les "transats" du pont soleil...

Un jeune ouvrier

Nous n'en sommes pas encore là. Mais en quinze jours, le travail a bien progressé. Un pont entier s'est pratiquement ajouté depuis ma dernière visite. Et en passant devant le grand hangar, j'ai pu voir le pic arrière en voie de finition. Par l'ouverture, on apercoit un des gros moteurs diesel, encore tout pimpant. Un monument! Ce sera lui qui entraînera une des immenses hélices aux sept pales tranchantes comme des couteaux de boucher.
Je traverse le chantier et je grimpe la petite échelle pour pénétrer à l'intérieur du bateau. Tout le long du pont inférieur, de gros cylindres de plastique sont alignés, parfaitement en rangs. Ce sont les blocs sanitaires destinés à chaque cabine. On dirait de grosses colonnes, assez incongrues, qui soutiennent un temple d'acier...

Vue laterale du Renoir en construction

Tout autour de moi, c'est le vacarme des tôles que l'on découpe, que l'on assemble, les gerbes de feu et la fumée des postes à souder. Au dehors, la routine habituelle continue : des soudeurs finissent les travaux d'entretien sur le "Gargamelle" ; la péniche doit déjà reprendre l'eau ce soir.

Et au fond du hangar, on prépare les premières tôles du paquebot suivant. L'avenir est assuré...

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