Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.
Cela fait trente-quatre ans qu'un jour, à quatorze ans, il a débarqué dans notre pays. Malgré tout ce temps passé ici, on continue toujours à l'appeler "l'Espagnol".
La soudure, c'est son domaine à Victor. Dès qu'il est arrivé ici, il a commencé à souder dans une petite société du Namurois. Il assemblait des cadres de vélos. Il a continué aux ateliers de Jambes-Namur. Et, maintenant, cela fait vingt-six ans qu'il travaille aux chantiers navals de Beez. Ce qu'il aime ici, c'est qu'il peut travailler dehors, au grand air. Avec la réalisation de bateaux comme le "Renoir", c'est la première fois qu'il participe à la construction d'aussi gros navires. - "Quand on a mis le "Symphonie" à l'eau, mes enfants sont venus y assister. Alors, on est content de pouvoir dire : tiens, papa a travaillé là. C'est très agréable ! Et puis, on est fier d'avoir fait un beau travail". Victor aurait bien aimé aller à Strasbourg pour l'inauguration du "Symphonie", mais ce n'était pas possible. Par contre, cela ne le tente pas de faire un jour une croisière sur un de "ses" bateaux. Car, les vacances, c'est sacré, on retourne en Espagne!. Victor remet son casque, et nettoie consciencieusement les joints où dans quelques instants son chalumeau va envoyer de grandes gerbes d'étincelles. |
2 avril 1998 - 16h. Le "pic avant", c'est la partie antérieure du navire, qui débute à l'étrave. Cela, je viens de l'apprendre ce jeudi après-midi, en revenant voir où en était mon "Renoir". Eh bien, le "pic avant" est fort avancé. Dans le grand hangar, il se dresse maintenant fièrement, dos à la Meuse, comme s'il n'osait pas encore se tourner face au fleuve, se confronter à lui.
Les sections de fond (le bas du navire) sont maintenant terminées et prêtes à être assemblées. Dans une quinzaine de jours, lorsque les péniches actuellement en réparation, auront dégagé l'aire de montage, lorsque la deuxième grue aura été montée, alors pourra réellement commencer l'assemblage du "Renoir". Les parties viendront s'emboiter ici le long du fleuve, sur l'aire mobile d'où il glissera doucement un soir d'août ou de septembre.
Mais, nous n'en sommes pas encore là. Ce qui deviendra un grand bateau blanc, n'est pour le moment qu'une multitude de tôles couleur rouille que l'on frappe, que l'on découpe et que l'on assemble dans un fracas d'enfer... |