Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.
Un architecte pas comme les autres Jan PORREYE (41 ans) est ingénieur architecte. C'est lui qui a dessiné les plans du bateau.
Il commença sa carrière par la restauration de bâtiments. Le goût de l'étranger le conduisit à Munich pour un stage. A son retour en Belgique, il travailla pour les chantiers navals de Maasmechelen (Limbourg belge). Il y participa à la réalisation de gros bateaux pour passagers, destinés à l'Égypte. Le dernier de ces bateaux fut terminé en 1989. Pour lui, la technique de réalisation d'un tel bateau n'est pas très compliquée. Le problème est surtout de faire une coque à un prix concurrentiel, par rapport aux chantiers des ex-pays de l'Est. A partir de 1989, il se mit à la recherche de clients sur le réseau fluvial rhénan. C'est à ce moment qu'il rencontra le groupe "Alsace-Croisières" et qu'il leur proposa la construction de nouveaux bateaux. A l'époque, cet armateur ne possédait que quatre bateaux, mais était déjà bien présent sur le marché de la croisière fluviale. |
En-dessous de l'immense viaduc de l'autoroute des Ardennes, le long de la Meuse, lorsque l'on approche des chantiers navals de Beez, on est d'abord surpris par le fracas des tôles que l'on façonne. J'entre dans l'immense hangar où se construit le Renoir. Je remarque d'abord au travers d'un hublot rond découpé dans le métal brut, des gerbes de feu. Un soudeur assemble les superstructures qui formeront bientôt la coque du navire.
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Jan Porreye a toujours essayé de soigner l'aspect extérieur du bateau, avec une ligne qui ne sera pas exagérément moderne, mais surtout pratique et de bon goût.
-"les petits fleuves, comme le Neckar ou la Moselle, nous dit-il, sont souvent plus attractifs que les grands. Il faut donc prévoir des solutions technologiques pour que les bateaux puissent naviguer dans des circonstances difficiles (pont très bas, cours d'eau étroit). Dans le cas du Renoir, le poste de pilotage peut descendre entièrement dans le bateau au moyen de vérins hydrauliques."
C'est pour cette même raison que Jan a modifié longuement les plans de son bateau. Car le Renoir va naviguer sur La Seine et donc sous les ponts de Paris, qui sont relativement bas. Les passagers ne peuvent pas rester sur le "pont soleil" durant cette partie du voyage. Il a donc imaginé une nouvelle solution et porté la largeur de son bateau à 10,50m. Il a ainsi créé deux petites coursives latérales afin que les passagers puissent continuer à profiter au maximum des joies de la croisière. Récemment, Jan a accompagné son avant-dernier "enfant", le "Douce France", lors de son voyage maritime entre Rotterdam et Honfleur, pour rejoindre la Seine.
-"Ce fut l'expérience la plus intense de ma carrière, nous dit-il. On avait quitté Rotterdam par une mer très calme. La météo était favorable. Le bateau était tiré par un remorqueur, car il ne peut pas naviguer par ses propres moyens en mer. On s'est retrouvé subitement avec un gros coup de grain à 42 miles de la côte. Cela nous mettait à six heures d'un port d'abri. Ce bateau très long et étroit n'est pas fait pour de telles conditions. Je suis descendu dans le double fond, en dessous des cabines. Je voulais savoir comment la coque allait se comporter dans des conditions aussi extrêmes. Je voyais les vagues arriver et onduler sur les tôles.
Je n'avais pas mis de gilet de sauvetage. Il faisait -2°. Par cette température, cela ne servait à rien. On n'avait aucune chance de survie." Heureusement, le "Douce France" à rejoint Vlissingen sans avaries, preuve de la qualité du travail réalisé par les chantiers de Beez et Jan Porreye peut continuer a surveiller la construction du Renoir depuis son petit bureau encombré. |