Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.
Au petit matin, avant le départ...
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le pilote d'essai
Tout le monde l'appelle "Capitaine Frank". Le "Renoir", c'est le huitième bateau dont il prend livraison pour le compte d'Alsace-Croisières. C'est en quelque sorte le "pilote d'essai" de l'armateur. Il effectue les premiers tests et il ramène le bateau à Strasbourg, où sera terminé tout l'aménagement intérieur.
Le "Capitaine Frank" a quarante ans et il a fait ses études à l'école de navigation de Strasbourg. Il a ensuite gravi les échelons jusqu'à obtenir son brevet de capitaine, d'abord sur le Rhin. C'est d'ailleurs le fleuve qu'il préfère ! Le Rhin, de par son importante fréquentation est un fleuve très surveillé et la police fluviale est partout. Les règles de circulation y sont donc plus sécurisantes. Frank Fiorillo n'est pas marié. L'année passée, lors de l'inauguration du "Symphonie", il m'avait confié, un sourire en coin : - "Femme de marin, femme de chagrin!". |
Vendredi 4 sept 1998 - 6h40
Le jour commence tout doucement à poindre au travers des lourds nuages de ce début septembre. Je m'arrête un instant sur le halage de Meuse. De l'autre côté, j'aperçois le Renoir. Malgré l'heure matinale, ça bouge, ça travaille de tous les côtés et les lumières du bateau se reflètent dans l'eau grise et sale. C'est bientôt terminé pour les gens de Beez. D'ici quelques minutes, le grand bateau qu'ils ont construit, le résultat de six mois de dur labeur, va s'en aller. Lorsque j'arrive à son bord, on en est aux derniers préparatifs, quelques petites finitions, quelques soudures.
Huit heures. Arrivée du Capitaine Frank. C'est en quelque sorte le pilote d'essai de l'armateur, il a la charge de réaliser les premiers tests du bateau et de le ramener à Strasbourg. L'équipe française commence à embarquer. Durant les quatre jours que durera le trajet, ils continueront à travailler à l'aménagement intérieur...
Dix heures trente. Doucement, le Renoir commence à s'éloigner du quai. Quelques ouvriers restent là, debout sous la pluie battante de cette triste matinée, pour le voir partir. A quelques mètres de la rive, commencent les premiers essais réels de moteur et de navigabilité. Et les petits problèmes à résoudre. Une heure plus tard, c'est le vrai départ. Mais, il faut tout d'abord aller tourner, là où la Meuse est la plus large, juste avant l'écluse des Grands-Malades. Une opération délicate. Le bateau fait 110 mètres de long et, même à cet endroit, le fleuve n'est guère plus large. Il n'y a que deux ou trois mètres de part et d'autre. Mais tout se passe bien et le "Renoir" repasse devant le chantier naval.
Les hommes contemplent une dernière fois cette grande coque qu'ils ont faconnée.
Les puissants moteurs bourdonnent doucement. L'eau bouillonne dans son sillage. Le "Renoir" prend sa vitesse de croisière et s'éloigne vers le Nord, vers le Rhin. Tous attendent, jusqu'à ce qu'il ne devienne plus qu'un point à l'horizon, au-delà du viaduc de Beez.. |
les contrôleurs du bureau Veritas
Le bureau VERITAS, c'est en quelque sorte l'équivalent du contrôle technique, mais en beaucoup plus contraignant. Les inspecteurs qui sont sur le bateau ce matin suivent sa construction depuis le premier jour. Ils vérifient toutes les étapes et l'adéquation du bateau aux différents normes internationales (belges, françaises, navigation sur le Rhin).
Lors de ce premier trajet, ils procédent à toute une série d'essais dont le plus spectaculaire est un arrêt d'urgence avec une mise en "arrière toute" des moteurs. Surprenant. Alors que le navire était en vitesse normale, il s'est arrêté sur une cinquantaine de mètres, c'est-a-dire la moitié de sa longueur. |