Chroniques de la construction d'un paquebot sur les bords de la Meuse.
La proue du Renoir |
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du fleuve Congo jusqu'aux bords de la Meuse.
Gaetano travaille maintenant depuis 27 ans au chantier naval de Beez. A 44 ans, il est le chef des soudeurs.
Voici quarante ans maintenant qu'il vit en Belgique. Il a commencé sa carrière professionnelle dans une entreprise qui fabriquait des cannes à pêche. Comme beaucoup d'autres soudeurs de la région, il est passé chez Finney, qui deviendra Jambes-Namur. C'est là qu'il a appris l'art de la soudure. Il a notamment participé à la construction du viaduc de Beez. Une des grandes époques de la vie de Gaetano, c'est le Congo. Il y est parti au départ pour 3 ou 4 mois pour faire la formation de soudeurs locaux, mais il y est resté 3 ans. Quand il en parle, je remarque ses yeux qui brillent. Gaetano a formé la-bas plus d'une centaine de jeunes, il a participé à la construction de barges porte-containeurs. Il a travaillé sur le Beach de Kinshasa, ensuite il est parti à l'intérieur du pays. Il y a rencontré plein de gens, croisé des cultures différentes. C'est cela surtout qui l'a intéressé.
Gaetano aime son travail, car souder, me dit-il, c'est chaque fois différent. - "Que ce soit le pont, un escalier, un élément de la coque, le travail change à chaque fois, mais tu dois toujours être aussi précis". Et, quand il lève le nez, juste au-dessus de "ses" bateaux, il voit "son" viaduc. L'immense structure du viaduc de Beez auquel il a participé, souvenir de ses débuts dans le métier... |
Jeudi 28 mai 1998 - 15h30
La météo parlait de courtes averses. Mais, en ce jeudi après-midi, la pluie tombe à seaux et détrempe les carcasses en construction.
Pour me mettre à l'abri je rentre dans la coque du Renoir. A l'intérieur, je suis d'abord surpris par le bruit : chocs des marteaux, crépitements des postes à souder, cris des ouvriers; le tout amplifié par les résonnances sur les cloisons de métal brut. Une lumière blanche et crue rentre par les hublots. Les gros extracteurs qui recrachent la fumée des postes à souder contribuent à créer une ambiance surprenante. En gardant en tête l'image du bateau précédent, je peux imaginer ce que deviendra chaque espace que je parcours : salon, salle de restaurant, cabines, magasin.
Au milieu du bruit assourdissant, j'entends soudain une voix qui chante, mais que je ne parviens pas à localiser. En approchant d'une trappe, la mélodie se fait plus précise. En me glissant par l'ouverture, je me retrouve dans une espèce de faux plafond entre les deux ponts. C'est ici que je retrouve mon chanteur courbé entre deux poutrelles. Entouré des gerbes d'étincelles de son poste à souder. La fumée l'entoure, mais cela ne l'empêche pas de continuer à chanter ses romances avec une voix de baryton. Pendant que je regarde, subitement surgit une silhouette au travers d'un hublot. C'est ainsi que je fais la connaissance de Gaetano, le responsable des soudeurs. Accroupis tous les deux dans cet espace restreint, il me racontera sa vie. Vous la découvrirez dans l'encart ci-contre.
En ressortant de la coque, je suis ébloui par un beau grand soleil qui a chassé la pluie et les nuages. Sur le pont supérieur, les ouvriers ont abandonné leurs cirés. Je les quitte pour quinze jours, curieux de redécouvrir à chaque fois ce que devient le chantier du Renoir. |