Samedi 31 janvier 1998
Je ne voyage qu'en mappemonde Survoler les terres à vol d'oiseau. Se tordre un peu le cou pour regarder la planète qui s'éloigne, un tout petit peu, pourtant rapidement. Voir les champs d'abord de près, compter presque les arbres. Puis ils s'éloignent, deviennent de plus en plus géométriques, forment de grands quadrilatères en tons de vert et de sol, et à l'automne de rouge et d'or aussi. On monte, on monte, et juste avant de traverser les nuages il n'y a plus qu'un géométrique patron, des lignes dans un sens et des lignes dans l'autre, sans plus de texture, à peine des couleurs... Pourtant, il suffit de s'y replonger, de s'y infiltrer, d'y pénétrer, dans cette forêt, au milieu de ce champ de colza, entre les sillons des labours, pour découvrir les entailles de la terre, en explorer les écorchures, les blessures. La courtepointe d'en haut devient en bas fine et complexe mosaïque, toute cette vie qui grouille et qui crie entre les lignes. Comment peut-on s'éloigner sans vouloir revenir embrasser les cicatrices du monde et le souffle qui en renaît? Brigitte Gemme |