L'oeil et la plume

[un instant]
Photo prise le 24 décembre 1997 à 12:20 à Paris

Samedi 10 janvier 1998
Blues d'la métropole...

Quand je fais visiter mon appartement à de nouveaux visiteurs, je ne manque jamais d'y aller d'une anecdote ou deux sur mes voisins. L'un d'eux est peintre, l'autre, le potier septuagénaire, passe l'hiver dans le désert du Sahara. C'est d'ailleurs lui qui habite les deux appartement du sous-sol et qui empeste toujours la cour arrière car il ne manque jamais de brûler tout ce qu'il cuisine au four. Il y a aussi Nico et les copains, tendance grunge-punk, qui habitent comme moi au deuxième en compagnie de Yoda, un bâtard qui n'aboie pas trop et qui garde les galeries en été. Un autre vieux garçon, Gerry, un autre couple gai - auquel personne d'ailleurs n'a jamais parlé depuis trois ans -, et quatre jeunes d'allure universitaires qui ont colonisé le grand 9 1/2 du rez-de-chaussée, qui ont un superbe épagneul blond. J'ai un faible pour les épagneuls (comme tout le monde). Vous ai-je parlé des six chats du peintre? Quelle pagaille ça doit être, dans les pots de peinture!

Mes visiteurs, surtout ceux de mon âge, sont toujours surpris de constater que non seulement je connais les manies de mes voisins, mais aussi leur nom et leur métier. Qu'on prend parfois un café dans la cuisine de l'un - de moins en moins souvent malheureusement - et une bière sur la galerie arrière en été. En fait, on ne se voit que l'été. L'hiver, on se croise sur le palier pour se dire "Attention, l'escalier est glissant!" ou, plus rarement, au dépanneur du coin quand on sort en même temps pour acheter du pain et du lait. Sans plus.

Mais l'été est une période de franche camaraderie où toutes les portes donnant sur la cour sont ouvertes et les allées et venues fréquentes.
Plus en tous cas que dans la plupart des voisinages que je connais ou que j'ai connus. On discute de la dernière conquête de l'un et de la prochaine exposition de l'autre. On s'est chicanés une fois à cause d'une pancarte à saveur électorale accrochée à un balcon. On s'est appelés ensuite pour s'excuser. C'est comme ça par chez nous.

Et il me semble que ce n'est pas encore assez. D'un côté à l'autre de la rue, on ne se parle jamais. Nous n'avons pas de ruelle pour regarder le fils du voisin réparer le moteur de sa vieille Renault 5. Et au café du coin, ce ne sont que des étrangers, des passagers du quartier, qu'on croise...

Ouvrez donc ces fenêtres!

Brigitte Gemme


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